samedi 23 avril 2011

Résumés des communications

RÉSUMÉS des Communications

Magloire AMBOUROUET-BIGMANN

Université Omar Bongo de Libreville

ambigmann@yahoo.fr

« De la littérature de l’‘étrange’ dans la création fictionnelle en Afrique francophone »

La francophonie d’Afrique et de la diaspora se caractérise en matière de créations littéraires par une constante longtemps perçue comme relevant essentiellement de l’exotisme.

Etant donné qu’il n’y a pas de littérature sans auteurs de l’« étrange », nous retenons que les œuvres africaines recélant des éléments propres au Féerique, au Merveilleux et au Fantastique résultent d’une préoccupation plus ou moins affirmée. En effet, les auteurs desdites œuvres dépassent généralement les limites du Merveilleux et du Fantastique, dont le cadre est bien trop étroit, pour développer les schèmes empruntés à une métaphysique qui leur est proche, voire chère. De fait, ces femmes et hommes de plume s’efforcent de signifier leur altérité, de revisiter une construction identitaire plus ou moins consciemment refoulée et de repositionner la mémoire collective.

Il apparaît clairement que les écrivains africains – ceux de la francophonie singulièrement ! – ont toujours usé de stratégies pour asseoir dans leurs œuvres la matérialité d’un territoire identitaire qui leur était propre !

Il apparaît clairement que même les écrivains les plus récents, auxquels nous accorderons, dans le cadre de ce travail, une place prépondérante, n’ont pas abandonné les sentiers empruntés par leurs aînés.

Il apparaît clairement que le livre de la vie littéraire africaine comporte des pages écrites avec une encre pâle et quasi invisible. Conséquence directe : la récurrence de l’« étrange » et ses développements ne sont pas appréhendés par tous !

Didier AMELA

Université de Lomé

Ddamela@aol.com

« Les écritures migrantes africaines »

Depuis quelques décennies, beaucoup d’écrivains africains en exil explorent de nouvelles voies, en prenant une distance par rapport à leurs lieux d’origine. Le pays d’accueil de ces écrivains devient naturellement le lieu d’origine d’inspiration d’un autre discours. Le rapport de l’écrivain avec la langue a changé de nature du moins pour le lecteur. Les œuvres ne représentent plus dans ce cas une exploration personnelle de la réalité ou d’un imaginaire donné, mais plutôt un engagement précis sur une situation idéologique ou politique. C’est le cas de ces écrivains africains installés en France que le critique Jacques Chevrier a désignés, dans son Anthologie africaine, sous le terme « d’écrivains de la migritude », allusion peu discrète à ce grand mouvement de défense des valeurs de la civilisation noire qu’a été la Négritude. Jacques Chevrier, par ce néologisme, désigne ces écrivains africains qui, entre 1980 et 2000, ont fait le choix, pour des raisons diverses, de vivre en France et pour la plupart, à Paris ou sa périphérie. La lecture attentive de leur production permet de relever que leur discours se trouve le plus souvent décalé, décentré par rapport aux réalités de leur milieu.

Marc ARINO

Université de la Réunion

marc.arino@gmail.com

« Les frontières floues : traversées identitaires, corporelles et culturelles dans les écritures migrantes du Québec et la littérature francophone mauricienne. Une application à l’œuvre d’Ananda Devi et de Ying Chen »

Il s’agit dans cette communication d’analyser la façon dont certaines œuvres d’écrivains francophones appartenant à des aires géographiques différentes – Québec « migrant » et Île Maurice – témoignent de questionnements originaux, dont il est possible de comparer les enjeux en termes de représentations identitaires, corporelles et spatio-temporelles. Notre objectif consiste à cerner, par le recours au concept fécond de « frontières floues » et par-delà les divergences inhérentes à leurs spécificités culturelles, les profondes convergences existant entre ces auteurs et ces œuvres dans le traitement de l’exil (intérieur/extérieur), de la (re)connaissance de Soi et de l’Autre, de l’imaginaire du lieu et de la représentation du temps. A la charnière des XXe et XXIe siècles, une partie de l’Ailleurs québécois migrant pourrait donc se lire à l’aune de la perspective mauricienne (et vice-versa), via le prisme du « flou » qui favorise l’émergence de lieux d’hybridité. Nous aimerions montrer que les écritures migrantes du Québec et la littérature francophone mauricienne accouchent, dans certains cas, de textes comparables dans leur « hybridité », leur « métissage », leur « créolisation », produisant du « nouveau » et opérant le passage « de l’identité assignée à celle de la traversée » (Robin, 2000 : 35). Nous nous attacherons donc à présenter brièvement les liens qui unissent les notions et les concepts de « flou », de « logique floue », « d’ensembles flous », et de « frontières floues », avec ceux « d’hybridité », de « métissage » et de « créolisation », en les définissant et en tentant de donner quelques exemples d’application à l’œuvre d’Ananda Devi et de Ying Chen.

Alina Iona BAKO,

Université Lucian Blaga de Sibiu

alinabako@gmail.com

« La poésie balkanique de Leonid Dimov entre le sommeil difforme et la recherche de la forme »

Le sujet que je propose pour ma communication comporte une approche interdisciplinaire qui continue ma thèse de doctorat achevée l’année dernière. Il s’agit de présenter, dans le contexte de la littérature universelle, la littérature roumaine aux portes des Balkans. Ce trajet consiste en une analyse appliquée sur l’œuvre d’un poète roumain, Leonid Dimov. Dans ses volumes, les textes sont mélangés aux images, et la loi fondamentale pour sa création est le rêve. Ce monde neutre est, en réalité, un espace du début qui contient en soi aussi la fin, un espace où la création est suffisante pour soi comme le bouffon acrobate qui, devant les spectateurs, répète les mêmes mouvements dans sa tentative de sortir de son monde artificiel, illimité et pourtant petit. On peut parler d’une sorte de maniérisme du poète qui crée des mondes qui perdent leur consistance, tel l’acrobate qui devient un homme régulier après sa descente des hauteurs.

Tout l’univers de Dimov est construit comme une scène immense où tous les gens sont des saltimbanques : une hypostase du poète qui trouve dans cette manière une façon d’aborder le monde. L’influence balkanique est évidente. C’est un monde de « boules colorées » où la vie s’empare des choses. Bien qu’elle soit hétérogène, l’image onirique comporte un ordre mathématique.

Collectionneur de « peaux d’oursins » et « de queues des lézards », le poète s’identifie à un espace où les objets sont soumis à une autre loi de la gravitation. C’est un monde du rêve « aux dragons de papier » qui signifie l’artificiel de la création. La métamorphose se réalise comme un jeu, l’acte poétique devenant une succession d’actions tordues.

Eddy BANARÉ

Université de la Nouvelle-Calédonie

eddy.banare@gmail.com

« Un exemple d’intertextualité postcoloniale en Nouvelle-Calédonie : Nidoish Naisseline lecteur de Frantz Fanon »

Rappeler l’influence mondiale de la pensée du Martiniquais Frantz Fanon sur les mouvements de décolonisation est un lieu commun et n’inclut, le plus souvent, que son impact sur les décolonisations du continent africain. C’est la raison pour laquelle nous serions tenté par une provocation : chercher à identifier le peuple ou la région du monde où la réception de Peau noire, masques blancs a été la plus immédiatement novatrice et féconde en termes d’élaboration de discours et de projets politiques. À la veille des années 1970, une génération d’étudiants issus des anciennes colonies (ou anticolonialistes) reçoit le premier texte de Fanon comme un pamphlet, un essai, bref une machine idéologique. Peau noire, masques blancs n’est pas encore considéré comme une matrice d’interrogations de la société française, voire occidentale. Cependant, l’impact le plus inattendu de Fanon s’observe dans le Pacifique francophone, chez les premiers étudiants et militants politiques Kanak de Nouvelle-Calédonie, à la fin des années 1960. La Nouvelle-Calédonie est, depuis les années 1980 dites des Événements, un « thème » politique tissé de discours dont les origines, les influences et les articulations profondes sont multiples. Elles permettent pourtant de saisir les mouvements politiques et culturels qui ont permis l’émergence d’une personnalité comme Jean-Marie Tjibaou, mais surtout, de la littérature kanak. Pour les mettre à jour, il faut se concentrer sur les trajectoires suivies par les protagonistes des deux premières générations post-indigénat : celles qui, depuis 1946 année de l’abrogation du décret, ont eu accès à l’école publique, puis aux études universitaires en France et se sont ainsi politisées ; celle de Nidoish Naisseline en est le premier exemple.

Nacer BERBAOUI

« La discontinuité énonciative dans Les agneaux du seigneur de Yasmina Khadra »

berbaoui_n@yahoo.fr

Dans cette communication, nous tenterons de saisir dans le roman de Yasmina Khadra, Les agneaux du seigneur, la notion de discontinuité et de polyphonie qui sont récurrentes dans la production romanesque et artistique de l’auteur. Notre premier objectif consiste à analyser le titre. Il est unique peut-être, mythique et surtout, énigmatique. Nous tenons à signaler au lecteur que la trame du roman s’inspire de la réalité quotidienne qui prévaut en Algérie. En effet, ce roman suscite un intérêt particulier pour la diversité des voix énonciatives incarnées par le narrateur et pour la nouveauté du parcours narratif (continuité vs discontinuité). C’est pourquoi, l’auteur, tout en restant ancré dans la tradition littéraire et la nostalgie des écrivains maghrébins d’expression française, tend vers la modernité qui se fonde sur l’origine, la langue et la réalité du contexte algérien.

Ricarda BIENBECK

Université de Bayreuth

ricarda.hanck@gmx.de

« L’œuvre de Maïssa Bey entre représentation et distanciation »

L’écrivaine algérienne Maïssa Bey a commencé à écrire des romans et des nouvelles en français il y a 14 ans. Comme c’est le cas pour la plupart des écrivains et surtout des écrivaines maghrébins et algériens, son œuvre fait surtout l’objet d’études génériques, ethnographiques ou bien même exotiques. Ces textes sont souvent regardés comme un témoignage et une représentation unidimensionnelle d’une réalité non-européenne sans que soient prises en compte leurs valeurs esthétiques et littéraires. Cette réception s’inscrit dans une longue tradition de réception et de production des littératures toujours persistante qui privilégie les intérêts d’un lectorat européen ou élitaire maghrébin pour des raisons linguistiques, financières et des raisons de publication.

Mon approche visera à montrer que l’œuvre de M. Bey est particulièrement innovante et s’inscrit bien dans la dynamique de cette littérature monde telle que définie dans le Manifeste pour une littérature monde en français. En effet, les romans et nouvelles de M. Bey peuvent être compris comme une critique, une remise en question et une réflexion des concepts unidimensionnels de représentation à l’aide de différentes stratégies de distanciation qui mettent en cause, par exemple, des concepts problématiques comme la consistance et la cohérence des textes. Cette approche critique renouvelée ouvre à un autre niveau de compréhension des textes de Bey et peut mener à une analyse plus complexe et individuelle de son œuvre dans ses qualités réflexives, esthétiques et littéraires qui se distanciera ainsi d’une perspective des attentes européennes et d’un point de vue trop eurocentrique sur la littérature de M. Bey, et peut-être aussi sur la littérature des femmes maghrébines.

Elisabeth BLADH et Alexander KÜNZLI

Université de Göteborg

University of Applied Sciences

elisabeth.bladh@gu.se

kude@zhaw.ch

« La littérature caribéenne francophone en traduction allemande et suédoise entre 1945 et 2010 »

Cette communication traite de la traduction dans les pays scandinaves et germanophones de la littérature caribéenne d’expression française. Elle dressera d’abord un aperçu des écrivains antillais traduits en allemand et en suédois, pour ensuite présenter les acteurs – notamment les traducteurs et les éditeurs – qui participent à la diffusion de cette littérature dans les cultures cibles.

Le nombre d’écrivains ayant été traduits en allemand ou en suédois sous forme de monographie (romans, recueils de poésie ou de nouvelles, etc.) est assez restreint. Concernant la période étudiée, c’est-à-dire entre les années 1945 et 2010, il s’agit d’une trentaine d’écrivains pour le marché germanophone et d’une dizaine d’écrivains pour le marché scandinave. Par ailleurs, les écrivains originaires de la Guadeloupe et de la Martinique sont plus représentés que leurs homologues haïtiens ou guyanais. Si les éditeurs germanophones, surtout allemands, sont plus nombreux à faire traduire plusieurs ouvrages d’un même écrivain, les écrivains qui font l’objet de plus de trois traductions ne sont pas nombreux. En tout, il n’existe aujourd’hui que 86 traductions allemandes et 19 traductions suédoises. Il est très rare qu’un traducteur traduise plus qu’un écrivain. D’autre part, un écrivain n’est pas toujours traduit par « la même voix » dans la langue cible. Maryse Condé, dont dix livres sont parus en allemand, a été traduite par quatre traducteurs alors que les neufs ouvrages d’Édouard Glissant en allemand sont signés par le même traducteur.

Charles BONN

Université Lyon 2

bonn.charles@gmail.com

« Complexité de la relation au lieu dans les littératures francophones du Maghreb et de l’émigration maghrébine en France »

La littérature maghrébine est née dans une dynamique d’affirmation de l’espace identitaire face à sa négation par le discours colonial. Ceci explique en partie la relative absence du thème de l’émigration dans cette littérature à ses débuts. Mais l’émergence tardive, dans les années 80, d’une littérature dite « de la deuxième génération » de cette émigration, qui ne peut se revendiquer d’un espace identitaire, va poser plus globalement le problème théorique de la relation entre écriture et localisation, quelle que soit, à la limite, l’écriture considérée.

Clint BRUCE

Brown University

michael_bruce@brown.edu

« Lire la poésie haïtienne à la Nouvelle-Orléans en 1884, ou : vers la pré-postmodernité d’une trans-francophonie »

Pour qui s’intéresse à une interculturalité francophone « historique », une récurrence adverbiale sous la plume d’Édouard Glissant déconcerte : « J’écris désormais en présence de toutes les langues du monde », déclare l’intellectuel martiniquais dans le Traité du Tout-Monde (1997), signalant la concomitance de ce geste avec le fait que « désormais tous les lieux du monde se rencontrent ». Faut-il en conclure que le relationnel se pense surtout à partir du « désormais » conjoncturel de la postmodernité mondialisante ?

Afin de complexifier une chronologie péremptoire, cette communication prendra comme point d’ancrage un texte aussi circonstanciel qu’audacieux. En 1884, alors que la suprématie blanche déferlait sur le Sud états-unien, l’homme de lettres louisianais Alfred Mercier signait une recension du recueil Les Préludes (1883) du poète haïtien Edmond Héraux. Blanc créole, Mercier louait le « culte de l’esprit à Haïti », selon lui favorable à « l’affranchissement de l’Humanité entière ». Il proposait par la même occasion « un recueil des poésies écloses dans les différents centres de civilisation que la France a semés sur les rivages que baignent l’Océan Atlantique, le Pacifique et la mer des Indes ».

Placée sous le signe d’un humanisme universaliste, la vision de Mercier n’anticipe pas tout à fait la postcolonialité. Il n’en reste pas moins que sa pensée antiraciste et cosmopolite ouvre une réflexion sur les relations (littéraires) possibles entre régions « francophones », c’est-à-dire sur un Lieu de rencontre. À la lumière des écrits de ce Néo-Orléanais – dont des notes de voyage prises en Algérie et son roman anti-esclavagiste L’Habitation Saint-Ybars (1881) – la communication s’articulera autour de deux axes : il s’agira d’une part de dégager les « interconnexions » transatlantiques et trans-américaines propres à cette francophonie précoce du XIXe siècle – à cette trans-francophonie créole, et d’autre part de problématiser la « pré-postmodernité » de celle-ci à l’aide de la théorie postcoloniale.

Véronique CHELIN

Université de Montréal

chelin_vero99@hotmail.com

« Identité et rapport à l’Autre chez quelques romanciers des Mascareignes »

Dans le cadre de ce colloque, dont l’objectif est de considérer la (les) francophonie(s) littéraire(s) comme un ensemble aux multiples interconnexions et dont la spécificité reste à comprendre, nous nous proposons d’axer la réflexion sur la place qu’occupent les littératures francophones de l’océan Indien dans ce vaste espace rhizomatique.

Contrairement à l’Afrique, au Maghreb et à la Caraïbe, l’océan Indien commence tout juste à attirer l’attention des chercheurs au-delà de ses propres frontières. Ces derniers soulignent notamment l’importance de cette région au sein des études francophones. Par exemple, selon Véronique Bonnet, Guillaume Bridet et Yolaine Parisot, les points communs entre les littératures francophones de la Caraïbe et de l’océan Indien sont nombreux et très profonds : « point commun thématique d’abord et, plus encore, énonciatif, avec une même importance accordée à la question de la mémoire et de l’oubli, de la trace et de sa disparition, des histoires profondément inscrites dans les corps et dans les usages » (Bonnet, Bridet, Parisot, 2009 : 8). La perspective est d’emblée postcoloniale et l’enjeu, pour les écrivains indianocéaniques, est selon Jean-Claude Carpanin Marimoutou « d’arpenter le lieu et de dire les manières plurielles et parfois antagonistes de l’habiter, d’étendre sans cesse le territoire narratif » (Carpanin Marimoutou, 2007 : 16).

Dans le cadre de notre communication, notre réflexion s’appuiera sur l’analyse de trois romans contemporains issus de l’île Maurice et de la Réunion : Sensitive de Shenaz Patel (2003), Faims d’enfance d’Axel Gauvin (1987) et Case en tôle de Nadine Fidji (1999). Dans ces romans, l’identité et le rapport à l’Autre sont interrogés à partir de l’univers intime de l’enfance. Qu’il s’agisse de narrateurs-enfants (Patel et Gauvin) ou d’un retour par le narrateur adulte sur sa propre enfance (Fidji), le vécu et l’imaginaire du protagoniste ainsi que ses rapports avec la société constituent les moteurs de la narration. Il s’agira donc de questionner en quoi l’écriture de l’enfance s’avère une voie privilégiée pour explorer un espace insulaire hétérogène et qui nécessite une « gestion contemporaine des héritages contrastés » (Ibid. : 116). En somme, l’analyse de ce corpus nous permettra de réfléchir à certaines problématiques qui selon nous concernent l’ensemble de la francophonie.

Mouhamadou CISSÉ

Université de Québec à Montréal

cisse.mouhamadou@courrier.uqam.ca

« De la pratique spéculaire comme construction d’une littérature ‘universelle’ : Un rêve d’Albatros de Kangni Alem »

La spécularité, sorte de réflexion comme dans un miroir, construit à l’intérieur du texte une idée, une critique ou une théorie. Cette création parallèle à l’intrigue et coulée dans l’œuvre comme arrière-fond institue le sens du texte, la littérarité. À l’intérieur de la narration, l’autoréflexion s’articule selon le contenu et le mode d’énonciation pouvant révéler un personnage-écrivain en quelque sorte porte-parole de l’auteur. Dès lors, considéré par Lucien Dällenbach comme « similitude » entre un fragment du texte et l’œuvre qui l’intègre, le récit spéculaire semble décliner l’identité de l’auteur dans le sens de ses préoccupations, de sa vision de la littérature projetée dans l’art. On peut le voir dans les œuvres francophones de l’Afrique noire, plus précisément de la diaspora qui renouvelle selon la critique l’esthétique du roman « africain » en y intégrant des formes narratives variées. Le rêve d’Albatros de Kangni Alem offre des exemples de pratique spéculaire, de représentations d’une littérature universelle, défiant les frontières africaines, les barrières culturelles, géographies et identitaires.

L’objectif de la communication repose donc sur une double orientation : montrer d’une part comment la pratique spéculaire instaure les axes d’une littérature universelle, celle empreinte des origines africaines mais annonçant l’ouverture ; et analyser d’autre part cette conception de la littérature francophone, de la littérature tout court chez Kangni Alem.

Thomas DEMULDER

Université Concordia

demuldert@yahoo.fr

« Antilles (Césaire), Maghreb (Kateb), Québec (Miron) : aux prolégomènes d’un « Tout-monde francophone » sur et sous le fil de l’Atlantique ? »

C’est, à notre façon, l’archéologie de la littérature-monde que nous proposons d’effectuer. En rassemblant les données recueillies durant nos recherches post-doctorales, nous proposons d’en localiser les sources ; étant entendu qu’à l’instar de tous les rhizomes (la littérature-monde en est un), il n’y a pas véritablement de « source » mais déjà, au départ, une ramification de « tiges-mères » émettant des racines adventives sans règle prédéfinie. De sorte que c’est aussi le cours, les relais pris et les traces empruntées par la poétique de la relation et du divers qu’il s’agira de saisir ; spécialement dans l’enceinte atlantique, dans un triangle composé par les Antilles (Césaire), le Maghreb (Kateb) et le Québec (Miron) qui, selon nous, forme un espace rhizomatique matriciel. Nous aimerions revenir sur les interconnexions qui fédèrent les écrivains et les imaginaires antillais, maghrébins et québécois entre eux ; au point de suggérer l’existence d’un rhizome scripturaire transatlantique dans lequel se prépare et s’invente depuis plus d’un demi siècle, non seulement une littérature, mais aussi une pensée et un Homme-monde en Francophonie.

Mbouh Seta DIAGANA

mbouhseta@yahoo.fr

« Africaine et/ou maghrébine ? Problématique du positionnement géographique de la littérature mauritanienne d’expression française »

Considérée par les uns comme une zone tampon et les autres comme un trait d’union entre l’Afrique subsaharienne et la Maghreb, la Mauritanie constitue, à bien des égards, un cas atypique dans le concert des nations africaines. Sa situation géographique ne va pas sans conséquence sur sa littérature d’expression française. En effet, les critiques sont loin d’être unanimes sur le positionnement de la Mauritanie sur l’échiquier littéraire africain ; dans les rares anthologies où on parle de ce pays, on le met aussi bien avec les pays subsahariens qu’avec les pays maghrébins.

L’objectif de ce projet de communication est de montrer les limites de ces classifications qui ne mettent pas l’accent sur ce qui fait la quintessence de la littérature francophone mauritanienne. Il s’agit pour nous d’analyser que s’il y a cette complexité de définir la francophonie mauritanienne, c’est que l’on n’a pas approfondi ce qui fait des textes mauritaniens des textes non pas autonomes mais dépassant les frontières surtout celles établies arbitrairement. En ce sens, il sera montré par l’étude de textes mauritaniens que la littérature francophone, si elle peut paraître comme une juxtaposition de littératures venues d’horizons divers, elle peut montrer aussi de signes forts et évidents de cohésion.

Sélom GBANOU

Université de Calgary

sgbanou@ucalgary.ca

« Dramaturgisations et dramaturgies. Stéréotypie et idéologie coloniale à l’origine du théâtre africain de langue française »

À l’origine du théâtre africain de langue française, dont l’École Fédérale William Ponty fut le grand berceau, se sont télescopées deux réalités de grande importance.

D’abord, la perception des spectacles improvisés par les « élèves indigènes » de l’École Primaire Supérieure de Bingerville en Côte-d’Ivoire, alors administrée par Charles, puis plus tard ceux organisés par les futurs cadres de l’École William Ponty (toujours sous le regard du même Béart). Dans les deux lieux et avec les mêmes acteurs parmi lesquels figurent Bernard Dadié, Aka Bilé et Amon D’Aby, le spectacle est appréhendé comme l’analogon de l’identité, de l’être profond, un mouvement mimétique de la vie intérieure du Moi africain, différemment incarnés par les élèves. En effet, les responsables coloniaux en poste au Sénégal, capitale de l’AOF (Afrique Occidentale Française), ont toujours vu dans cette dramaturgie la spontanéité primitive du représentant, le bréviaire de ce qui le caractérise et fonderait sa singularité. Ainsi, le théâtre diégétique incarné par les élèves sur exigence de l’administration scolaire et coloniale, devient fatalement un théâtre mimétique où la réalité entrevue par le public colonial masque la fiction de l’intrigue et s’y substitue.

Ensuite, peu conscients de leur rôle de représentants, des enjeux de décryptage de leurs scènes, les élèves de la célèbre École Fédérale William Ponty transforment, au fur et à mesure que le temps passe, leur imaginaire en une image et en une imagerie tronquées d’eux-mêmes. Ceci finit par légitimer les perceptions identitaires que se formule, de sa position ascendante de dominateur, le colonisateur.

À terme, lorsque, sous le label du théâtre épique négro-africain, la dramaturgie africaine se fait lieu de contestation du regard altérant du colonisateur, elle se donne, en premier lieu, à apprécier comme la contestation d’un Moi qu’elle avait contribué à édifier. En somme, le spectacle dramatique négro-africain est comme encodé à faire de la scène théâtrale, la scène du représentant, à faire de la fiction du jeu l’enjeu d’une lecture identitaire.

Telles sont les hypothèses qui travaillent la communication.

Üte FENDLER

Université de Bayreuth

ute.fendler@uni-bayreuth.de

« Littératures francophones trans-océaniques – lectures comparatistes »

Le projet de la littérature-monde en français tente – entre autres – de proposer une perspective intégrative aux littératures dites francophones pour surpasser les différentes catégorisations, notamment en littératures exotiques, périphériques, mineures, marginales, etc.

Les tentatives d’intégrer les littératures francophones dans les histoires littéraires qui engloberaient la littérature française ET les littératures francophones sont rares et restent souvent restreintes à des régions comme la Caraïbe, le Maghreb, l’Océan Indien, le Québec etc. La notion de « francophonie trans-océanique » invite à des lectures transrégionales intégrant des régions géographiquement éloignées les unes des autres, mais qui se rallient aux littératures « francophones ».

Dans cette contribution, nous tentons d’aborder, dans une perspective comparatiste, quelques axes de réflexions qui permettraient de discerner des champs trans-océaniques tout en lisant les littératures francophones comme une littérature mondiale dans le sens d’écritures de « mé-tissage » (Lionnet, 2003) voyageantes. À partir de quelques exemples, nous esquisserons quelques champs : - mouvements littéraires : négritude/antillanité/indianité, créolité/créolie etc., - l’émergence des genres littéraires : policier, (auto)biographie ; - le lien à la langue : africanisation, créolisation ; - thématiques : généalogie, espaces, migration/exil ; - regards entre-croisés : Antilles-Afrique/Antilles-Québec/Afrique-Europe/Antilles-Europe, etc.

Entre exigüité et rêves de mondialisation, une lecture comparatiste peut être intégrante, comme vont l’illustrer les exemples : la question de l’utilisation de la langue française se pose pour des auteurs comme Ahmadou Kourouma, Jean-Luc Raharimanana autant que pour Raphaël Confiant ou Laurier Melanson, et le motif du retour au pays natal invite également à une lecture comparative, comme par exemple les textes de Dany Laferrière, Kossi Efoui et Fouad Laroui.

Maroua EL NAGGARE

Université de Bayreuth

roua_80@yahoo.fr

« ‘Ma langue est mon territoire’, ou quand des enfants d’ailleurs rencontrent la langue française »

En tant qu’éditrice littéraire et auteure, Leila Sebbar se distingue par le travail continu qu’elle mène sur l’enfance. Sous son impulsion, des collectifs de récits d’enfance parus entre 1993 et 2010 invitent des écrivains de diverses origines à questionner leur rapport au temps des commencements, à leur terre natale, à la terre d’exil et surtout à la langue d’écriture, en l’occurrence le français qui s’est substitué à la langue première, l’arabe, le russe, le créole, le somali, etc.

De par sa forme même, le recueil favorise une double approche, individuelle respectant la singularité de chaque expérience, mais aussi plurielle permettant de tracer « la carte du même pays : l’enfance d’ailleurs ». En effet, au-delà des particularismes, la réflexion sur soi emprunte des pratiques narratives et esthétiques souvent communes à l’écriture de la mémoire. Par ailleurs, si plusieurs de ces recueils s’inscrivent dans une perspective historique générale liant la métropole à ses anciennes colonies (Enfance outremer, 2001), ou centrée sur la question franco-algérienne (Enfance algérienne, 1999 ; C’était leur France en Algérie, 2007), nous souhaitons cibler notre intervention sur le recueil inaugural Enfance d’ailleurs (Belfond, 1993 ; J’ai lu, 2002) qui permet d’appréhender la francophonie dans un sens plus large. Le choix du français comme langue d’écriture n’étant pas, comme le prouvent les témoignages des auteurs slaves ou d’Amérique latine, conditionné par le passé colonial.

Notre intervention aura ainsi pour but, à travers une analyse textuelle du recueil Enfance d’ailleurs, de mettre en exergue les modalités narratives et les motifs liés à l’écriture de l’enfance tous horizons confondus.

Adel HABBASSI

Université de Tunis

adelbensh@yahoo.fr

« Césaire / Khaïr-Eddine, une traversée poétique de l’Atlantique »

Le premier recueil de poèmes, majeur, de Mohammed Khaïr-Eddine (Soleil arachnide, 1969) comporte déjà un vibrant hommage à son ainé dont il glorifie les racines africaines (en 1948, Césaire a déjà publié un autre recueil intitulé Soleil cou coupé) :

« SCANDALE

À Aimé Césaire

Nègre aux dents d’écho mon intangible rivière / n’écouter que le vert des syllabes caraïbes / puisque l’ancêtre fait encore flamber le bananier / rajustés les cheveux aux angles de l’archipel /pas une écume n’est morte mais cet aspic droit à contre- / l’œil / pointe à vif dans l’os africain /ou gerbe en feu de brousse lorsque vient / quelqu’un de l’intérieur du bambou / finie la nostalgie des heures brumeuses de haine / l’âme s’achève en un fléau bleu ressac au centre » .

Beaucoup plus long, le poème s’étale sur cinq pages. Dans plusieurs textes, nous relevons un subtil jeu « d’échos » et de résonances qui réfèrent à diverses affinités enfouies dans les œuvres des deux artistes. L’appel du poète originaire de l’Anti-Atlas inscrit le texte dans un habitus tirant son authenticité d’une flore et d’une faune dont les couleurs, les odeurs et les sons dotent les mots d’une « âme » profonde (typique dans Cahier d’un retour au pays natal). Ces deux voix du Sud s’entremêlent dans un dialogue où se croisent les Histoires, les cultures et les imaginaires.

Par ailleurs, l’image de la profondeur océanique (« bathyale ou abyssale », précise Césaire dans Moi, laminaire, 1981) sera présente dans Mémorial de Khaïr-Eddine (1991), tandis que Césaire nous confesse : « j’habite un troupeau de chèvres tirant sur la tétine / de l’arganier le plus désolé / à vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte… » (Moi, laminaire). Arbre emblématique du sud marocain, « l’arganier » marque, par son omniprésence, la « symbolique » poétique (culturelle) du poète marocain.

Ainsi, le poème se charge, progressivement, d’explorer l’espace commun des voix (voies) qui le fondent et le travaillent, avant d’esquisser une traversée qui se profile à travers le chaos des mots et des paysages. Traversée qui mène vers l’autre et ramène, du coup, les semences de ses vents et les couleurs de ses routes. S’agissant des rives de l’Atlantique (caribéennes, africaines, européennes), les images de la route et de la (des) traversée(s) ne sont plus uniquement perçues comme de simples métaphores. Les routes maritimes empruntées par les conquistadors et, plus tard, les négriers ont inscrit, dans l’Histoire (officielle), des repères et des itinéraires indélébiles fortement « ancrés » dans la Mémoire des ancêtres issus de ces trois rives et dans celle de leurs descendants respectifs.

Aurélie HAISMANN

Université du Luxembourg

aurelie.haismann@uni.lu

« Mises en scène d’une dynamique identitaire dans un contexte de diversité linguistique : les discours littéraires et médiatiques francophones au Grand-Duché de Luxembourg »

La francophonie, comme réseau, constitue une richesse qui favorise l’échange interculturel. Dans ce cadre, tout acte langagier permet de s'affranchir des relations de subordination à l’égard d’un modèle et d’éviter les clivages nationaux. À la croisée des mondes roman et germanique, le plus petit pays de l’Union européenne en est l’illustration même.

Partageant des frontières communes avec la France et la région wallonne, le Grand-Duché de Luxembourg présente une situation linguistique tout à fait singulière. En effet, au sein de ce petit État indépendant depuis 1839, se côtoient sur tout le territoire et dans différents milieux trois langues : le Lëtzebuergesch, l’allemand et le français, auxquelles s’ajoutent les langues maternelles des immigrés. Cette réalité complexe en constante évolution — indissociable des origines historiques — transparaît en filigrane dans les discours médiatiques et littéraires du Luxembourg, qui montrent, au moyen de mécanismes discursifs, la remise en cause de l’illusion d’une conception identitaire unifiée.

Cette composante complexe qu’est le plurilinguisme influence la littérature luxembourgeoise d’expression française à laquelle des écrivains tels que Jean Portante et Félix Molitor ont insufflé un renouveau, même si elle n’est pas la plus féconde des trois productions nationales. Malgré un paysage médiatique historiquement germanophone, les organes de presse proposent également, depuis le début du troisième millénaire, des quotidiens exclusivement francophones : La Voix du Luxembourg, Le Quotidien et le gratuit L’Essentiel. Ces discours cristallisent les enjeux identitaires liés au choix linguistique et culturel qui se pose pour chaque auteur. Espaces de transmission de la mémoire collective et des normes sociales, ils constituent en effet un observatoire privilégié des dynamiques linguistiques et culturelles qui se situent dans les marges francophones.

Yamilé HARAOUI-GHEBALOU

Université d’Alger

myafamo@yahoo.fr

« Migrations et poétiques du voyage : Dib, Glissant »

Nous vivons aujourd’hui dans un monde caractérisé par un double mouvement d’ouverture, d’éclatement, de résonnance et d’essaimage d’une part ; d’exclusion, de confinement et de repli frileux par rapport à ces élargissements d’horizons voyageurs d’autre part.

Face à cette double alternative, l’écrivain francophone travaille dans la sinusoïdale qui est ainsi mise en place, et innove en termes de rapprochements et de découvertes de chemins inédits, induits par la réflexion sur sa double situation interne/externe.

Face à cette situation, le critique est également sollicité : au-delà des théories identitaires et de la constitution de figures littéraires tutélaires définitivement admises comme telles, il est amené à effectuer des déplacements symboliques et à relire les œuvres dont la lecture semble fixée, mais dans lesquelles une nouvelle actualité apparait. Nous essaierons, dans notre communication, de relire le texte dibien des essais sur la littérature, comme Simorgh et L’arbre à dires, à la lumière des écrits d’Edouard Glissant et plus particulièrement en nous arrêtant sur l’Introduction à une poétique du divers et sur la Poétique de la relation.

Nous nous appuierons notamment sur la fonction déterminante du voyage dans l’écriture dibienne et celle que l’écrivain lui confère dans ses écrits réflexifs :

« En effet, on n’évite d’être une âme morte ni là où on a ses racines, ni là où on n’en a aucune, alors que, retransplanté ailleurs, s’offre au moins à vous, l’opportunité, en vous découvrant autre, de développer des dispositions latentes, de donner faculté à des dons ignorés de s’épanouir. » (L’arbre à dires, 67) et aussi : « Tu sauras que le but du voyageur, c’est d’abord le voyage, éminemment le voyage ; le reste t’est donné en prime. Nous habitons le voyage, la marche en avant qui n’en finit plus…. » (Simorgh, 184).

Nous essaierons de montrer comment ces deux grands écrivains écrivent, à travers des formulations différentes, une expérience du monde et de l’écriture dans lesquelles la migration et l’altérité qui y préside et qui en résulte, président à une poétique de la transplantation et de la migration productive.

Louis JOLICOEUR

Université Laval

louis.jolicoeur@lli.ulaval.ca

« Traduction de la littérature québécoise en Italie et dans le monde hispanophone : parallèles et divergences »

La communication proposée vise à explorer le rôle des traducteurs littéraires dans la diffusion de la culture littéraire québécoise à l’étranger. L’hypothèse de travail est que non seulement les techniques de traduction utilisées, mais aussi les modes de sélection des œuvres à traduire, dépendent au premier chef des orientations idéologiques, du poids des cultures les unes par rapport aux autres, des décisions d’ordre éditorial et politique, et enfin des stéréotypes entretenus entre les cultures. La traduction, outre son objectif premier de préserver et de rendre compte des richesses et de l’attrait d’une œuvre en l’adaptant à un nouveau contexte culturel, est sans contredit politique : elle peut être source d’affrontements, de manipulation, voire de subversion, mais elle peut aussi contribuer à la diffusion de la culture entre les peuples. La traduction représente donc un facteur nullement négligeable dans la grande question de la diversité culturelle, en particulier pour la francophonie, dont la diffusion internationale peut également se faire par le biais de la traduction. La communication consiste entre autres en la mise en évidence de cette équation, à partir d’un état des lieux de la traduction de la littérature québécoise en Italie et dans le monde hispanophone.

Christina JÜRGES

Université de Montréal

cjuerges@googlemail.com

« L’espace comme prison – une étude du domicile dans La dot de Sara de Marie-Célie Agnant »

La question de l’espace pour l’immigrant est une question d’identité et d’identification : l’identité d’un individu déraciné et l’identification de ce dernier avec le nouvel espace habité. Ainsi, l’expérience migrante, telle que représentée dans la littérature migrante francophone, ne peut pas être séparée des questions de l’espace. À notre avis, l’étude de cette écriture doit absolument passer par une analyse critique de l’espace le plus intime de l’individu : son domicile. Dans notre communication, nous étudierons la représentation du domicile dans le roman La dot de Sara de l’auteure haïtienne Marie-Célie Agnant. Nous analyserons la valeur symbolique de cet espace et montrerons comment il se transforme en prison pour la protagoniste Marianna. Gaston Bachelard (La poétique de l’espace) voit en la maison un diagramme psychologique, qui fait que le domicile soit beaucoup plus qu’un simple logement. En déchiffrant le domicile, nous explorerons comment Marianna utilise l’espace et comment le domicile se transforme en une frontière concrète. Dans son classique La production d’espace, Henri Lefebvre soutient que l’espace est une construction sociale complexe. Nous regarderons donc le contexte social qui entoure la maison dans le roman afin d’examiner les limites abstraites auxquelles Marianna est confrontée dû à son statut de femme migrante. Ainsi, à l’aide des approches théoriques de Bachelard et de Lefebvre, nous tenterons de montrer que la représentation du domicile dans le roman d’Agnant permet de comprendre les enjeux psychologiques des personnages migrants et, par la suite, donne des indices sur l’expérience de la migration, le sentiment d’isolement, le rapport transformant au pays d’origine et au pays d’accueil.

Germain-Arsène KADI

Université de Bouaké

kadigr@yahoo.fr

« Le dérèglement du discours chez Jean-Marie Adiaffi et Gil Courtemanche : une esthétique intertextuelle de la déliquescence sociale et politique »

Le premier roman de Gil Courtemanche Un dimanche à la piscine à Kigali (2000) restitue l’expérience traumatisante vécue par l’auteur à travers l’histoire d’amour d’un journaliste et d’une Rwandaise dans une ville marquée par la mort et la psychose de l’imminence des massacres. Le cadre de la fiction est un univers libidineux dans lequel l’acte sexuel est banalisé et même suicidaire. Les personnages condamnés à une mort certaine à la machette, s’adonnent à toutes sortes de fantasmes au point d’être décimés par le Sida. La tonalité de l’œuvre est à dessein licencieuse, obscène. Le discours frise l’indécence mais exprime en même temps le déclin de la civilisation, un monde pervers sans éthique.

Ce discours à dessein choquant est également caractéristique de l’œuvre de Jean-Marie Adiaffi parue la même année. Les naufragés de l’intelligence a été rédigé dans l’urgence. Le roman est inspiré d’un fait divers : le choc subi par l’écrivain en 1998 après le braquage de son véhicule en pleine journée par des jeunes à Abidjan. Pour l’écrivain, enseignant de philosophie très respecté, l’acte est symptomatique de la déchéance morale de la société africaine en général et ivoirienne en particulier. C’est pourquoi son texte stigmatise la décrépitude d’une jeunesse rongée par la prostitution et l’alcool. La description des scènes d’orgies à la « rue Princesse », est d’un réalisme reflétant l’espace de référence. Elle a d’ailleurs conduit certains critiques à s’interroger sur le sens de cette « pornographie littéraire ».

Notre communication se propose de faire une analyse transversale des deux œuvres. Il s’agira de montrer les ressorts entre le contexte et la résurgence de cette écriture volontairement impudique et son impact sur le champ littéraire francophone.

Alain Poaire KAMKI

Université Paul Verlaine-Metz

koriaso@yahoo.fr

« L’Ailleurs au miroir du poète français : le cas de Blaise Cendrars dans Du Monde entier au cœur du monde »

En manifestant son goût d’aventure et son sentiment d’exotisme pour l’altérité africaine, le poète-voyageur Blaise Cendrars, qui a séjourné en terre africaine et dont il s’est entiché, fasciné par les îles envoûtantes, les reliefs splendides ; du moins par le paysage pittoresque que recèle cette partie de l’univers, semble nourrir, a priori, dans son recueil de poèmes Du Monde entier au cœur du monde, véritable carnet de voyage, son élan de sympathie pour l’Autre.

Toutefois, ces impressions s’avèrent illusoires en ceci que ce recueil, passé au prisme de l’analyse imagologique, laisse apercevoir des clichés, des stéréotypes et des préjugés raciaux charriés sur l’Ailleurs africain.

Ainsi, la condescendance et le chauvinisme qui animent le poète et qui l’incitent à se conforter dans une position supérieure, consisteraient, a posteriori, à annihiler le Noir, à le ravaler au rang de l’être inférieur, à lui coller l’image péjorative construite par l’Occident ; pour ainsi dire, à décrédibiliser son ontologie, sa culture et son identité. C’est un véritable relent de « culture et impérialisme ». Ces entités seraient des pièges de la francophonie qui, à l’ère de la mondialisation avec ses pendants que sont la « déterritorialisation », le « Tout Monde », le cosmopolitisme, l’hybridité artistique, médiatique, linguistique et culturelle (interculturalité, multiculturalité et interculturalité), ridiculiserait l’Africain.

La communication consiste à dégager la symbolique de l’image de l’Autre chez le poète-passeur pour s’interroger sur l’attitude adoptée par ce dernier dans la complexité des rapports interhumains : (philie, phobie ou manie de l’étranger). Comment sortir du ghetto imagologique européen ? La mondialisation, saine ouverture à l’Autre ne serait-elle pas une forme déguisée du colonialisme dans la postmodernité africaine ? Les préjugés que le poète réactualise sur l’Ailleurs africain au XXe siècle ne sont-ils pas une continuité de la néantisation de l’étranger reconnue dans la plume et l’écriture occidentale qui date de l’antiquité jusqu’à nos jours ?

Kasereka KAVWAHIREHI

Université d’Ottawa

kkavwahi@uottawa.ca

« L’écriture comme invitation à ‘une dimension de l’humanité’ chez Khatibi et Glissant »

La communication vise à montrer comment Khatibi et Glissant se rencontrent dans l’entreprise de reconfiguration du monde qui est aussi une invitation à entrer dans « une autre dimension de l’humanité » (Glissant) postcoloniale, postnationale, post-impériale et postmoderne ou, plutôt, trans-moderne. Cette reconfiguration du monde s’effectue par l’écriture des œuvres irréductibles aux classifications traditionnelles parce que résultant d’une recodification par une « pensée autre qui parle en langues, se mettant à l’écoute de toute parole –d’où qu’elle vienne » (Khatibi).

Foued LAROUSSI

Université de Rouen

Foued.Laroussi@univ-rouen.fr

« Dire le Même et l’Autre dans la littérature francophone de Mayotte »

On le sait, depuis les travaux de Bakhtine, tout discours est, par définition, adressé à autrui et toute parole comporte nécessairement les traces d’une parole autre constitutive de celle du sujet : ces traces sont soit consubstantielles à son propos, soit le fracturent de leur différence.

Dans la littérature romanesque en particulier, la présence multiforme de l’Autre a suscité diverses approches. Nombreux auteurs se sont attachés à pister les traces de sédimentations, d’entrechoquement, de résonnance de paroles diverses qui, au-delà des intertextualités repérables, constituent une polyphonie qui situe le texte dans son contexte socio-historique tout en l’inscrivant dans la dialectique du Même et de l’Autre.

Appréhendée ainsi, la littérature francophone de Mayotte, ou plus précisément, la littérature mahoraise d’expression française, constitue le lieu privilégié pour observer la complexité de la construction identitaire, notamment à travers le procès énonciatif. En effet, né dans un contexte d’échange, de diversité culturelle et de contact de langues imposé par le rapport à la France et au français, le roman mahorais de langue française offre non seulement à son public une bifurcation généalogique importante, mais se fait aussi dans une sorte de négociation permanente nécessitant souvent un dosage habile entre fidélité à soi et allégeance à autrui. La stratégie discursive que cela induit transforme aussi bien le sujet que la langue dans laquelle il s’exprime.

A travers la lecture de romans écrits par des auteurs mahorais, je tâcherai de montrer comment cette stratégie discursive est impulsée par une tension illocutoire qui, en dressant face à face le Même et l’Autre, a présidé à la naissance de cette littérature ; aussi retient-elle dans la trame romanesque l’image et la voix de l’Autre avec lesquels le romancier doit composer en permanence.

Katrien LIEVOIS

Institut Supérieur de Traducteurs et Interprètes à Anvers

katrien.lievois@artesis.be

« ‘Moi je pas savoir, mon capitaine’ ou traduire le petit-nègre dans les romans francophones africains de la première génération »

L’hétéroglossie du texte francophone a souvent été analysée dans la critique littéraire. Le positionnement linguistique et littéraire particulier à l’écrivain francophone, qui écrit dans une langue étrangère ou seconde et qui la réinvente, est souvent illustré à l’aide des œuvres de Kourouma, de Césaire, de Chamoiseau, etc. Des auteurs de la première génération d’écrivains francophones d’Afrique noire, comme Ferdinand Oyono, Amadou Hampaté Ba, René Maran, etc. sont cependant moins volontiers analysés dans ce cadre : leur écriture est généralement considérée comme traditionnelle et conservatrice.

Il nous semble toutefois que les œuvres des auteurs plus traditionnels offrent des instances d’hétéroglossie intéressantes pour les traductologues. Leurs romans nous offrent des exemples de variantes linguistiques qui imposent aux traducteurs des contraintes ne relevant pas seulement de l’idiolecte, mais aussi du régiolecte ou du sociolecte.

Méthodologiquement, notre point de départ s’appuie sur l’idée que ces romans ethnographiques s’efforcent de rendre compte, parmi d’autres coutumes de la population décrite, de ses habitudes et pratiques linguistiques. Plus concrètement, nous nous intéresserons dans cette contribution à la traduction du « petit-nègre », également appelé « français-tirailleur ». Pour élaborer notre analyse, nous faisons le relevé des passages qui présentent des exemples de petit-nègre dans quatre textes d’auteurs francophones africains de la première génération en les confrontant à leurs traductions néerlandaises.

Les études traductologiques dont nous nous sommes servie pour étayer nos analyses de la traduction du petit nègre concernent aussi bien celles qui traitent du régiolecte que celles qui abordent les sociolectes : de nombreuses recherches portant sur la traduction des variantes traitent en effet dans un même cadre les régiolectes et les sociolectes. Il nous semble toutefois que, pour ce qui est de la problématique qui nous intéresse, celle qui concerne la traduction en néerlandais du français-tirailleur, la théorie fonctionnaliste du Skopos telle qu’elle a été présentée par Reiß & Vermeer (1984) et par Nord (2008/1997) peut s’avérer intéressante.

Magali Nirina MARSON

Universités d’Antananarivo et d’Antsiranana

magali.nirina.m@gmail.com

« Le ressassement dans les littératures ‘india-océanes’ »

Il semble intéressant de réunir en corpus des figures représentatives des nouvelles littératures francophones malgache, mauricienne, réunionnaise et comorienne, rarement étudiées ensemble. Force est de constater une tendance commune, une injonction poussant les auteurs à représenter leur terre natale de façon particulière. Tout dans les textes de Raharimanana, Ananda Devi, Axel Gauvin, Aboubacar Saïd Salim, apparaît comme pré-texte pour dire une île-obsession et les sentiments qu’elle inspire au natif.

Le rapport des auteurs et protagonistes à leur insularité est cependant d’emblée problématique, empreint d’une intensité particulière et paradoxale : attachement singulier et répulsion.

Le ‘natif’ est défini comme né sur l’île, s’en sentant natif, en ayant le souci. L’étymologie nous ramène à cette intensité particulière notée dans la représentation. Souci vient de sollicitare, ‘inquiéter, troubler’.

L’île comme préoccupation, redite, semble signal et signe, sur lesquels se pencher pour en identifier les causes, motivations, sens.

Induite par une « conjoncture » douloureuse, née d’une histoire prédatrice aux schémas qui se répètent depuis l’origine, la représentation du lien au lieu natal semble symptomatique d’un « mal » insulaire plus profond. Être « en mal de », écrit Jacques Derrida, c’est « brûler d’une passion, […] chercher [l’objet du mal] où [il] se dérobe. Aucune compulsion de répétition, aucun ‘mal de’, ne surgiraient, [poursuit l’auteur], pour qui n’est pas […] en mal d’archive » : un « mal » commun que ressassent ces littératures ; le signe d’une « india-océanéité », d’une « mise en relation » (Edouard Glissant) ou « en archipel » possibles, de ces terres et de leurs textes.

Lila MEDJAHED

Université Mostaganem

medjahedl@yahoo.fr

« La littérature issue de l’immigration : un rêve particulier de la mondialisation »

La littérature issue de l’immigration maghrébine en France propose une nouvelle écriture qui interroge les catégorisations identitaires préétablies, remettant en cause les anciennes conceptions de la francophonie. Aussi, elle nous invite à repenser les concepts théoriques mis en valeur par des théories sur le Maghreb/Occident/Orient.

Cette communication propose d’étudier les techniques d’une représentation satirique qui s’appuie sur des stratégies d’écriture mettant en avant une réflexion sur la déterritorialisation/reterritorialisation. Celle-ci apparaît à travers des modalités scripturaires fondées sur l’interlangue « qui joue toujours de l’écart, de la non coïncidence, du clivage » (Robin, 1992) soutenant une hybridation culturelle et linguistique. Leurs images révélatrices, leur jeu verbal souvent évocateur, leur hétérolinguisme (Bakhtine) qui restitue tout l’attrait de l’imaginaire qui l’accompagne, rendent compte d’une méditation – en apparence ludique –mais souvent profonde sur la diversité dans le monde moderne.

Nous tenterons par ailleurs, d’analyser une satire de la mondialisation déterminant l’acte scripturaire, à travers la carnavalisation des stéréotypes.

Inge NGETCHAM

Université de Dschang

lngetcham@yahoo.fr

« L’écriture de l’anti-roman dans Les faux-monnayeurs d’André Gide et Verre Cassé d’Alain Mabanckou »

Les contestations de l’entre-deux guerres mondiales n’ont épargné aucun des genres majeurs en littérature : l’on a pu ainsi identifier une « écriture automatique » prônée par les surréalistes dont André Breton, différente du théâtre nouveau pratiqué par Alfred Jarry, Guillaume Apollinaire ou George Vitrac. Parallèlement, Marcel Proust, comme André Gide, remettaient en cause la fiction réaliste, l’omniscience du narrateur ou la linéarité du récit, bref l’écriture du roman tel qu’il a été pratiqué avant eux, portant par le fait même de sérieux coups au roman dit « traditionnel » hérité du dix-neuvième siècle.

Ce constat nous pousse à nous interroger sur les mutations subies par le roman en Afrique francophone, occasion de chercher d’éventuelles distances entre l’art des auteurs de la Négritude et celui des nouveaux romanciers issus de la migration ; au- delà, il nous semble intéressant d’observer les similitudes considérables entre les esthétiques porteuses de ruptures chez des écrivains français et les auteurs africains francophones. Notre communication jette un regard sur Les Faux- monnayeurs et Verre cassé, deux textes d’André Gide et Alain Mabanckou respectivement; il sera intéressant à cet égard de voir les lignes de démarcation de chacun d’eux vis-à-vis de ses prédécesseurs, les complicités qui se dégagent de leurs esthétiques et d’explorer, au-delà d’un code parfois métissé, un territoire à la fois homogène et exotique ou des identités hybrides.

Nahed Nadia NOUREDDINE et Alaeddine BEN ABDALLAH

Université Concordia

Université d’Ottawa

nahednadia2003@yahoo.fr

aladine_b@hotmail.com

« Féminisme arabe : entre revendication auctoriale et réception occidentale »

Assia Djebar est aujourd’hui, selon la majorité des études critiques, l’auteure maghrébine la plus connue à l’étranger. Son parcours de romancière, historienne, femme de lettres et universitaire fait qu’elle symbolise la femme algérienne intellectuelle et militante. Djebar, écrivant dans la « langue adverse », se concentre sur le rôle de la femme dans la société algérienne en particulier, et dans le monde musulman en général, elle en fait même son cheval de bataille. Acceptée, reconnue et admise au sein de l’institution littéraire française, Djebar, bien qu’issue de la « périphérie », réussit à investir le « centre » : elle est aujourd’hui membre de l’Académie française, ses écrits sont souvent salués par la critique et les médias. Cette réussite se manifeste dans l’intérêt qu’on lui accorde dans d’autres milieux littéraires grâce à la traduction de ses œuvres en plusieurs langues. En Espagne, par exemple, elle occupe le troisième rang des auteurs maghrébins francophones traduits.

Contrairement à Djebar, Naoual El Saadaoui, auteure égyptienne écrivant exclusivement en langue arabe, est très peu traduite. Si nous examinions les traductions de ses écrits, pourtant nombreux (plus de 40 ouvrages entre romans, recueils de nouvelles, récits et essais), en Espagne, en Italie et en France, nous pourrions constater que l’institution littéraire européenne, en général, ne porte presque aucun intérêt à l’oeuvre de Saadaoui. L’écrivaine a pourtant dédié toute son oeuvre, théorique et fictionnelle à défendre le droit des femmes en Égypte et dans le monde arabe. D’ailleurs, le fait le plus remarquable dans la plupart de ses ouvrages est que Saadaoui relie le problème de la femme non seulement arabe, mais aussi occidentale au racisme et à l’esclavage (mais aussi au capitalisme). Bien avant les théories féministes postcoloniales, Saadaoui avait exploré la situation de la femme dans un monde basé sur la supériorité de l’homme blanc colonisateur. Elle a souvent critiqué le féminisme occidental qui reste pour elle un féminisme « de classe ».

En vue de ces éléments, nous voudrions, dans cette communication, étudier la réception, par le biais de la traduction, des œuvres des deux auteures arabes, l’une francophone, l’autre arabophone en France, en Espagne et en Grande Bretagne. Les données quantitatives nous aideraient à mesurer la place qu’occupe chacune d’elles au sein de ces milieux littéraires. Notre objectif final est de comprendre comment est perçu aujourd’hui le féminisme arabe, quels sont les éléments qui déterminent la traduction, donc la diffusion de telle ou telle écrivaine.

Germain NYADA

Goethe Institut de Montréal

germain.nyada@ymail.com

« Altérité et interculturalité dans le récit d’enfance francophone »

En nous fondant sur une question posée par Barthes dans son essai Roland Barthes par Roland Barthes, à savoir « peut-on [….] commencer à écrire [sur soi] sans se prendre pour un autre ? », cet article se propose d’examiner la relation entre enfance, altérité et interculturalité dans deux récits d’enfance d’Afrique francophone. Il s’agit de L’Enfant noir (1953) de Laye Camara et de La Marseillaise de mon enfance (2004) de Jean-Martin Tchaptchet. Notre point de départ est le constat que les discours sur l’altérité ne considèrent souvent que les différences raciales, culturelles ou sexuelles. Le regard rétrospectif sur une enfance écoulée présente pourtant celle-ci comme une forme d’altérité, l’inscrivant de ce fait au centre des questions interculturelles. Le je-narrant indique qu’il est devenu un Autre que l’enfant d’autrefois. C’est ainsi que le narrateur aborde indirectement la question de l’Autre. Cette façon de débattre de l’altérité à travers son identité est, comme nous allons le montrer, très prononcée dans un récit d’enfance, indépendamment des origines de son auteur. Étant donné que l’enfance comme l’Autre est une construction individuelle, sociale et textuelle, tout recours à cette période de la vie peut être considéré comme une mise en relation. L’argumentaire tournera autour de deux axes principaux. D’une part, la réflexion abordera les formes et caractéristiques de l’Autre dans le récit d’enfance, d’autre part, il s’agira de montrer que le discours sur l’enfance renvoie au discours sur l’altérité.

Noureddine MHAKKAK

Chercheur indépendant

« Le corps féminin et la sémiotique de l’amour. Étude sur Un été à Stockholm de Abdelkebir Khatibi »

n_mhakkak@yahoo.fr

Chez Abdelkebir Khatibi, l’amour prend les allures d’un visage en quête d’un miroir qui montrerait la face aimée. La sienne. D’où la difficulté de sa réalisation. Et combien même cet amour prendrait forme, il ne pourrait vivre longtemps car il se situe au delà de toute corporalité.

C’est un amour vécu de dedans, mu par le désir de posséder l’autre, le re-créer. Un processus qui ne mènerait qu’à la mort ou du moins à la folie. Khatibi avait, dans ce sens, sa propre définition de l’amour: Aimer, c’est mieux comprendre. Comprendre c’est souffrir davantage. Et souffrir, c’est appréhender le désespoir. C’est cela l’amour pour Khatibi. Une étape parmi tant d’autres dans la reconnaissance de soi et d’autrui. Une étape primordiale sans laquelle l’individu demeurerait aveugle dans ce monde vaste et infini. Étape qui en définirait l’identité et en garantirait la différence. Pour toutes ces raisons, Khatibi consacre à l’amour, un de ses très beaux ouvrages : Un été à Stockholm. C’est un roman de voyage. Un périple dans l’espace géographique et dans le moins vaste espace linguistique. Le personnage principal – Gérard Namir – incarne bien cette immensité de l’espace de par sa profession de traducteur et interprète. Il est porteur de langues différentes et possesseur de leurs cultures et civilisations. Gérard séjournait à Stockholm par un été qui promet errance et aventure, qui anime le désir de posséder «l’autre» de par sa sexualité, sa langue et sa culture. Un été à Stockholm est surtout un roman qui ne se cantonne pas dans le récit des relations qu’entretient Gérard Namir avec les autres personnages. C’est plutôt le souci d’analyser ces relations. Les «dé-construire» suivant le rythme de ses amours tantôt violentes ; tantôt doucereuses et sous l’œil vigilant de la raison qui soude les profondeurs de la folie qui cherche le plaisir fuyant. La folie qui se transforme en un véritable reflet d’un amour étouffé, débattu chaque fois qu’il s’agit d’une femme délaissée par un amant infidèle, ou d’un amour blessé dans son amour propre. Un été à Stockholm, c’est l’histoire d’un homme. L’histoire de femmes aussi : femme -épouse, femme -maîtresse et femme -amie dans leurs rapports avec le même homme.

Saoussan RAJAB

Université d’Alep

drsrajab@scs-net.org

« Littératures francophones et traduction »

Toutes les littératures, notamment les littératures francophones, deviennent des littératures mondes grâce à la traduction. Nous avons choisi deux écrivains libanais : Amin Maalouf qui écrit en français et qui est traduit en arabe et Rachid Al-Daïf qui écrit en arabe et qui est traduit en français. Commençons d’abord par les titres de leurs romans. Est-ce que le traducteur a le droit de modifier le titre ou le drapeau de ses écrits ? Est-ce que le traducteur a le droit de transformer le titre selon la civilisation de l’autre ? Est-ce que le traducteur doit être réellement fidèle à son manuscrit ? De même, nous trouvons parfois plusieurs traductions de la même œuvre littéraire. Il serait alors intéressant de comparer les traductions des titres et des textes réalisées par plusieurs traducteurs.

Une question s’impose : la littérature francophone reste-t-elle francophone vraiment après l’acte de traduction ou devient-elle plutôt une littérature monde ?

Jaouad SERGHINI

Université Mohamed I

jaouadserghini@yahoo.fr

« L’écriture entre pays d’origine et pays d’accueil chez les écrivains subsahariens et maghrébins de la nouvelle génération de langue française »

« N’accède-t-on à l’écrit qu’en s’éloignant de sa terre, son idiome et ses dieux vernaculaires ? » (Leftah, 2006).

Le pays d’origine est, souvent, l’espace intime, l’espace de prédilection de la création littéraire chez l’ancienne génération. Il est l’espace de la magie, des charmes multiples, la terre de l’extase, de la paix. Le pays d’origine est la terre de la source matricielle qui n’a d’égale nulle part ailleurs, du moins dans la conception de l’ancienne génération.

Cette conception idyllique du pays natal, ce rattachement ombilical au pays d’origine sont l’objet d’un traitement tout à fait particulier par la nouvelle génération d’écrivains subsahariens et maghrébins de langue française. Le pays natal, l’espace d’origine, n’est plus un Eden amoureusement chanté, mais plutôt un espace reconsidéré sous le microscope de l’errance, de la transhumance, du mouvement continu. Désormais les écrivains de cette nouvelle génération vont pratiquer la « transhumance » aux dires de l’écrivain togolais Kossi Efoui. Dans leur condition d’expatriés par rapport à un pays qu’ils ont quitté, voire d’exilés, les écrivains de la nouvelle génération ne prennent plus pour terre d’ancrage cette Afrique jalousement célébrée par l’ancienne génération ; leur patrie désormais est la littérature, qui plus est, mondiale. Dès lors leurs écrits foisonnent d’intertextualité dans une entreprise de prendre racine dans cette glaise féconde qu’est la littérature.

Si chez l’ancienne génération, l’autre monde est un espace inquiétant voire problématique, cette conception n’est plus de mise concernant la nouvelle génération. Être entre deux mondes pour les nouveaux venants est une marque de liberté, d’affranchissement de l’emprise des origines. Loin du pays d’origine, les écrivains de cette nouvelle génération, par la pratique scripturale, semblent plus légers, plus dégagés des carcans du pays d’origine et peuvent ainsi prendre tout leur élan, leurs ailes se déploient à volonté à l’extérieur du continent.

Ceci dit, quelle position littéraire et politique les écrivains de la nouvelle génération adoptent-t-ils dans leur condition d’entre deux mondes, et d’exilés ? Quelle place accordent-ils au pays d’origine et au pays d’accueil dans leurs écrits ?

Telles sont les questions auxquelles cette communication tentera de répondre : l’écriture entre pays d’origine et pays d’accueil chez les écrivains maghrébins et subsahariens de langue française.

Hichem SOUHALI et Souraya BOUZIDI

Université de Batna

Centre Universitaire de Khenchela

hichemhicham2003@yahoo.com

bs_sr_2007@yahoo.fr

« LE Rai N’B, le français et l’identité culturelle des jeunes immigrés franco-algériens : sur les traces des harragas dans le discours urbain »

Le Rai N’B, fusion entre le Rai et le R’n’B, est devenu un outil d’expression et de revendication pour les 15-25 ans. Ce phénomène est né d’un métissage culturel et linguistique parmi les Franco-algériens.

En ces temps troublés, où la France (et la langue française) se cherche une définition identitaire qui incorpore l’ensemble des ethnies qui la peuplent, le Rai N’B offre une synthèse des paradigmes discursifs chez les 15-25 ans d’origine algérienne.

Notre contribution se penche sur le phénomène de la harga (immigration clandestine par voie maritime) et de ses traces des deux côtés de la méditerranée ; d’abord le regard des immigrés : la déception, la nostalgie et le regret, d’autre part, les attentes des candidats à l’immigration : la hantise, les rites et la peur.

Mêlant analyse discursive et dissection de corpus, notre démarche tentera de mettre en évidence l’existence du phénomène et d’en comprendre les dimensions identitaires, linguistiques et culturelles.

Madeleine STRATFORD

Université du Québec en Outaouais

madeleine.stratford@uqo.ca

« ‘¡Voilà Québec en México’! : Le rayonnement des poètes québécois francophones à la foire du livre de Guadalajara de 2003 »

En 2006, nous avons recensé 12 anthologies de poésie québécoise de langue française traduite en espagnol entre 1966 et 2006 et 53 recueils traduits parus entre 1980 et 2005. Or, près du quart des recueils (13 sur 53) et du tiers des anthologies (4 sur 12) ont paru en 2003, à l’occasion la Foire internationale du livre (FIL) de Guadalajara, où le Québec était l’invité d’honneur. Selon Denis Vaugeois, alors président de l’Association des éditeurs du livre au Québec, 2003 fut « l’année de la récolte » pour la diffusion de la littérature québécoise au Mexique. La même année, cependant, Valentina Arreola de l’Université de Guadalajara déclare que, malgré la parution d’anthologies et de revues présentant les poètes québécois aux lecteurs mexicains, cette poésie ne serait pas « populaire ». Ainsi, bien que la poésie québécoise semble avoir connu un « boom » en 2003, il se peut qu’elle ait connu une diffusion mitigée.

Dans cette présentation, nous nous intéresserons à la couverture médiatique réservée aux poètes québécois dans le dossier de presse de la FIL « ¡Voilà Québec en México! », deux CD contenant quelque 1055 articles et publicités publiés entre la mi-août 2001 et la mi-janvier 2004 dans des quotidiens, hebdomadaires, magazines généralistes, cahiers thématiques et publications spécialisées, et ce, tant au Mexique, au Québec, que dans le monde hispanique en général. Nous identifierons les ouvrages et les poètes traduits dont on parle le plus souvent et résumerons l’évaluation qu’en font les journalistes. Le nombre d’articles et leur teneur (positive, neutre, ou négative) permettront de déterminer à la fois l’ampleur et la valeur de l’accueil qu’ont reçu les recueils et anthologies de poètes québécois en traduction espagnole.

Julie TOLLIVER

College Hamilton

jkruiden@hamilton.edu

« Solidarités littéraires francophones »

La francophonie, c’est d’abord une institution, un organisme politique international, un moyen de relier de façon concrète une population de langue française éparse. Mais pouvons-nous aussi comprendre la francophonie comme un réseau de solidarité ? Il s’agirait ici d’appliquer ce que Françoise Lionnet appelle une « solidarité créolisée » (PMLA 123/5, octobre 2008), un système permettant de comprendre l’esprit commun qui lie les Antilles, au monde francophone tout entier, en échangeant le concept de la créolité pour celui de la francophonie.

Certains textes littéraires des années cinquante et soixante démontrent particulièrement bien cet esprit de solidarité francophone. Ainsi, les grévistes des Bouts de bois de dieu de Sembène Ousmane sont solidaires entre eux, mais ils comprennent aussi leur situation à travers une solidarité littéraire qui les lie aux personnages de La condition humaine d’André Malraux. Aimé Césaire écrit de la Martinique l’épopée de Patrice Lumumba (Une saison au Congo). Pierre Vallières, l’auteur de Nègres blancs d’Amérique, arrive à comprendre la lutte qu’il doit affronter au Québec en la comparant à la guerre d’indépendance en Algérie et en la discutant avec des étudiants martiniquais. Hubert Aquin dans Prochain épisode imagine un réseau d’espionnage qui lierait un espion sénégalais à des souverainistes québécois en Suisse.

Ces exemples du monde littéraire donnent lieu à des questions. La solidarité littéraire exprimée dans ces romans francophones dépend-elle de la langue française ? Et celle-ci, dans un milieu colonial/postcolonial, peut-elle se distancier tout à fait d’un mouvement rhétorique impérialiste et métropolitaniste ?

Christian UWE

Université Lyon 2

christian.uwe@univ-lyon2.fr

« Afriques problématiques : brèves lectures de Glissant et Condé »

Le motif de l’Afrique revient fréquemment dans les œuvres d’Edouard Glissant et de Maryse Condé. Associé à une quête identitaire dans laquelle l’origine se perd dans la nuit d’un temps inaccessible aussi bien à l’histoire qu’au mythe, ce motif n’en constitue pas moins, pour leurs personnages, un des principaux lieux d’interrogation. En effet, ce qui se dessine à travers les éléments de ce motif, c’est une quête identitaire confrontée à la perte du « Pays d’avant », entendu, non pas comme simple territoire géographique, mais aussi comme condition d’appartenance à une communauté linguistique et culturelle. De par cette séparation originaire et l’aliénation culturelle qu’elle inaugure, le personnage vit son quotidien dans une sorte de confinement identitaire forcé, rendu manifeste par l’absence d’un discours collectif fédérateur, par le caractère rudimentaire des représentations qu’il se fait de l’Afrique et par un malaise évident envers la valeur et l’usage de la langue française. Toutefois, malgré la tentation de repli, plus ou moins forte selon les personnages, leur évolution se fait dans le sens d’une plus grande ouverture à la diversité du monde actuel quoique l’issue de cette évolution reste incertaine.

Pour explorer la complexité des reconstructions identitaires et du rapport à la langue qui en résultent, la communication s’intéressera principalement à deux romans : La Case du commandeur de Glissant et La Vie scélérate de Maryse Condé.

El Hassan YACOUBI

Université Concordia

autoana@hotmail.fr

« L’autobiographie féminine au Maroc »

La naissance de l’autobiographie féminine au Maroc est très particulière. Le premier texte autobiographique est un récit de Gracia Cohen, femme juive marocaine qui reste à ce jour la première écrivaine de langue française qui a écrit un récit de vie inédit Son destin, un manuscrit qui date de l’année 1930. Elle représente ainsi la doyenne du récit autobiographique au Maroc.

Dans ses écrits, notamment dans Retour sur un monde perdu, et ce à travers la voix de la narratrice, Gracia Cohen essaie de décrire la vie de la communauté juive marocaine qui habite le Mellah de Fès au début du XXe siècle, véritable source pour les historiens et les ethnographes qui s’intéressent au vécu de cette communauté juive marocaine. La narratrice décrit avec précision beaucoup de scènes de la vie quotidienne et certaines pratiques comme les cérémonies de mariage ou les fêtes religieuses entre autres. La description de certains événements historiques n’est pas tout à fait innocente puisqu’elle jette un regard et un jugement personnel sur les faits rapportés qui peuvent engendrer des polémiques sur leur degré de partialité. Ce regard et ce jugement reflètent en effet la personnalité de l’auteur, sa crise identitaire, sa vision du monde et sa révolte contre le système traditionnel qui interdit à la femme le droit de vivre comme un homme.

À travers les récits de Gracia Cohen, la toute jeune littérature autobiographique marocaine s’enrichit d’un héritage qui ne peut que participer à l’émergence du genre autobiographique féminin. Dans cette écriture autobiographique féminine marocaine nous montrerons que les textes étudiés ne peuvent pas être considérés comme des autobiographies pures et simples. Ces oeuvres qui mettent en évidence le rapport entre le sujet de l’énonciation et le sujet de l’énoncé, entre le « je » de la narration et le « moi » de l’auteur posent le problème de la fiction dans l’autobiographie. Peut-on parler d’une autobiographie authentique qui reflète à la lettre des événements passés ? Est-il possible de raconter sa vie tout en introduisant dans la trame du récit des événements fictifs ? Dans quelle catégorie générique peut-on classer des textes qui ne sont ni autobiographiques ni romanesques ?